Difficiles sauvetages simultanés de 90 migrants

Brouillard épais, mer diffi­cile et nuit tombée n’ont pas empê­ché trois embar­ca­tions de la SNSM, épau­lées par d’autres moyens, de sauver quatre-vingt-dix migrants à la peine au large de Dunkerque, au mois de novembre. 

Sauvetage de migrants au large de Dunkerque
Trente-trois migrants en perdition sur leur "long boat" (pneumatique fragile à fond souple) ont été secourus par le "SNS 077 Notre-Dame-du-Risban" © Robert Fournier

Envi­ron 3 500 €. C’est le prix d’un passage clan­des­tin vers la Grande-Bretagne depuis la France à bord d’un mauvais pneu­ma­tique surchargé. Dans la nuit du 14 au 15 novembre 2022, ils sont 41 migrants sur l’une de ces embar­ca­tions et 49 sur une autre, dans deux zones diffé­rentes près de Dunkerque. Soit un « chiffre d’af­faires » de 315 000 € pour les passeurs peu scru­pu­leux, ce qui devrait pour­tant être assez pour four­nir des navires en quan­tité suffi­san­te… Mais là n’est pas leur préoc­cu­pa­tion. Qu’im­portent un moteur à bout de souffle, un réser­voir à peine rempli, des boudins pneu­ma­tiques aux tissus usés, prêts à lâcher sous les effets de la surcharge de passa­gers et de l’état de la mer… Venus d’Afrique, du Moyen-Orient et de plus loin encore, leurs clients sont milliers : plus de 45 000 auraient réussi la traver­sée en 2022, selon les auto­ri­tés britan­niques. 

Ce 14 novembre 2022, à 16 heures, le centre régio­nal opéra­tion­nel de surveillance et de sauve­tage (CROSS) du cap Gris-Nez est alerté par un appel du SAMU : par suite d’une avarie de propul­sion, 41 migrants sont en dérive devant la plage de Leffrin­ckoucke, à l’est de Dunkerque. Là même où a été menée l’éva­cua­tion histo­rique de 338 000 combat­tants anglais et français en 1940. Le patrouilleur des Douanes DF P1 Jacques Oudart Four­men­tin est immé­dia­te­ment engagé. Pas sûr que cette belle unité de 43,3 mètres de long puisse s’ap­pro­cher des migrants en perdi­tion. Elle cale 3 mètres ; or la zone est encom­brée de bancs de sable et moulières. 

Recherches diffi­ciles en plein brouillard 

Le CROSS mobi­lise donc un second moyen : le semi-rigide SNS 5911 Jean-Paul Legars, de la station SNSM de Dunkerque. Son tirant d’eau est insi­gni­fiant, son emport rela­tif. Mais il peut se faufi­ler dans ce secteur diffi­cile. Il a toute­fois besoin de l’ap­pui du séma­phore local car sa carto­gra­phie numé­rique vient de tomber en panne. Sur zone, les deux moyens demandent du renfort. Ce sera la vedette de deuxième classe SNS 276 Notre-Dame-des-Flandres, de Grave­lines Grand-Fort-Philippe, puisque le canot tous temps SNS 087 de Dunkerque est au radoub, indis­po­nible. Dans le brouillard dense qui s’est installé, à la nuit tombée, le semi-rigide Jean-Paul Legars assure des navettes entre le pneu­ma­tique des migrants et le bâti­ment des Douanes. Une manœuvre périlleuse au milieu des moulières – des câbles tendus dans l’eau pour la culture des bivalves. C’est la moitié des naufra­gés qu’il réus­sit à trans­fé­rer. Au contact, la SNS 276 trans­borde les autres. Tous seront remis par les doua­niers aux pompiers et poli­ciers de Dunkerque. 

Fin de mission ? Pas pour les béné­voles de Grave­lines. Le CROSS les solli­cite immé­dia­te­ment sur un second sauve­tage : 49 autres migrants sont en diffi­culté à bord d’un pneu­ma­tique qui prend l’eau. Il a été signalé dès 17 heures par l’as­so­cia­tion Utopia 561. Les liai­sons du CROSS avec l’em­bar­ca­tion de fortune sont diffi­ciles. Utopia 56 les faci­li­tera et permet­tra de trou­ver la bonne zone de recherches, alors que les béné­voles sont pris dans un épais brouillard.

À 19 h 45, le contact est établi. Géné­reux, le Lida Suzanna, un chalu­tier sous pavillon irlan­dais, se détourne de sa route. Il n’aura pas à inter­ve­nir car la tenace SNS 276 de Grave­lines vient juste de loca­li­ser le pneu­ma­tique en perdi­tion. Les béné­voles embarquent d’abord les naufra­gés les plus fébriles : quatre femmes – dont deux sont enceintes – et un enfant. Venu à la rescousse, le canot tous temps SNS 077 Notre-Dame-du-Risban de la station SNSM de Calais, après une heure de navi­ga­tion, embarque 33 migrants, les 16 autres passant ensuite sur la SNS 276. Cap sur Dunkerque pour les deux unités de la SNSM et leurs 49 resca­pés tran­sis. Même dispo­si­tif d’ac­cueil : ambu­lances, pompiers et poli­ciers.

À 23 h 05, l’équi­page de la SNS 276 est de retour à terre. Après plus de sept heures d’in­ter­ven­tion. Un enga­ge­ment que le vice-amiral d’es­cadre Marc Véran, préfet mari­time Manche - Mer du Nord, saluera d’une très offi­cielle lettre de féli­ci­ta­tions : « persé­vé­rance », « sens du devoir sans faille », «  endu­rance remarquable », ses mots choi­sis font chaud au cœur. D’au­tant que les canots SNSM multi­plient les inter­ven­tions en faveur des migrants. Ce qui use autant les béné­voles que les moyens qui vieillissent : le SNS 077 Notre-Dame du Risban aura 30 ans cette année… 

Nos sauve­­­­teurs sont formés et entraî­­­­nés pour effec­­­­tuer ce type de sauve­­­­tage. Grâce à votre soutien, vous les aidez à être présents la prochaine fois !

Article rédigé par Patrick Moreau, diffusé dans le maga­­­­­zine Sauve­­­­­tage n°163 (1er trimestre 2023).

1 Forte de 18 000 membres dona­teurs, l’as­so­cia­tion Utopia 56 s’in­ves­tit depuis 2015 auprès des exilés.

Équipages engagés

VEDETTE DE 2° CLASSE
SNS 276 Notre-Dame-des-Flandres (SNSM Gravelines Grand-Fort-Philippe)

Patron : Jean-Pierre Finot 

Patron suppléant : Patrick Sauvage 

Méca­ni­cien : Robert Four­nier 

Radio : Paul Four­nier 

Nageurs de bord : Léa Daubel­cour, Mathieu Four­nier, François Merlier

CANOT TOUS TEMPS
SNS 077 Notre-Dame du Risban (SNSM Calais)

Patron : Charles Devos 

Patrons suppléants : Régis Holy, François Longuet 

Méca­ni­ciens : Didier Maeght, Tonio Tellier 

Équi­piers : Jules Devynck, Chris­tophe Four­nier, Frédé­ric Henot

SEMI-RIGIDE
SNS 5911 Jean-Paul Legars (SNSM Dunkerque)

Patron : Sébas­tien Carbon­nier 

Patron suppléant : Ayme­ric De Brou­cker 

Radio : Céline Delan­noy 

Secou­riste : Jona­than Copin