Témoignage : « Je hurle de joie intérieurement : ils m'ont sauvé la vie »

Nous publions le témoi­gnage d’un kite­sur­feur secouru par l’équi­page du SNS 087 Jean Bart II après avoir passé plus d’une heure et demie, en pleine nuit noire, dans une eau à 12 °C. Un récit rare et poignant.

Un homme à la mer dans la lumière d'un phare de bateau la nuit
Le kitesurfeur est resté de longues minutes sur sa planche avant d’être secouru par les Sauveteurs en Mer. © SNSM

Le soleil se couche sur la longue plage de sable blanc de Malo-les-Bains (Nord), ce lundi 13 novembre, quand un homme appelle les secours : l’une des personnes avec qui il était parti faire du kite­surf n’est pas rentrée. L’homme est équipé d’un gilet de sauve­tage, mais ne possède aucun moyen de commu­ni­ca­tion. La tempé­ra­ture de l’eau est de 12 °C, des rafales de 50 km/h balayent la côte. Il faut faire vite.

Pour tenter de le retrou­ver, le centre régio­nal opéra­tion­nel de surveillance et de sauve­tage (CROSS) Gris-Nez engage l’hé­li­co­ptère NH90 de la base belge de Coxyde, ainsi que le canot tous temps SNS 087 Jean Bart II de la station SNSM de Dunkerque. Les Sauve­teurs en Mer font une esti­ma­tion de la dérive probable du kite­sur­feur et, grâce à son casque jaune, le repèrent rapi­de­ment. Cela fait une heure trente que l’homme espère être secouru. En hypo­ther­mie, flot­tant sur sa planche, il est pris en charge par les secou­ristes embarqués, puis confié aux pompiers une fois à terre.

Témoignage d'un kitesurfeur secouru par les Sauveteurs en Mer à Dunkerque

Plus tard, soigné et reposé, la victime a tenu à faire parve­nir son témoi­gnage aux sauve­teurs qui lui sont venus en aide :

« Ce jour-là, je quitte la plage pour un cours de kite­surf avant la nuit. Je baigne dans l’eu­pho­rie, je ressens le besoin de sensa­tions fortes. Je chevauche des vagues qui me semblent atti­rantes et perds la notion du temps, emporté par le vent.

Soudain, je chute bruta­le­ment. Je comprends que j’ai été éjecté de mon harnais. Je reste calme, je dois trou­ver une solu­tion. Je sais que je suis enca­dré, donc je dois être patient. Je mets l’aile en sécu­rité [pliée pour ne plus prendre le vent, ndlr], mais je ne peux plus navi­guer. La nuit tombe. Je comprends que je suis en danger.

Je commence à nager sur ma planche, mais ne parviens pas à déter­mi­ner si je me rapproche de la côte ou pas. Les vagues sont là pour me rappe­ler qui a le contrôle de la situa­tion. Le temps commence à être long. J’ai des douleurs impor­tantes dans le dos et dans une jambe, qui se bloque. Je vois au loin une petite lumière et devine que c’est un pêcheur. Cette lumière me donne beau­coup d’es­poir et me guide. Je ne vais plus lâcher cette direc­tion. Au bout d’un moment, la lumière dispa­raît, mais j’ai toujours envie d’avan­cer. Je prends un temps de pause. Le moindre bruit me fait extrê­me­ment peur, je sais que je suis vulné­rable. 

«  Je ne suis pas repéré, la peur m’en­va­hit  »

Beau­coup de choses me passent par la tête, mais une en prio­rité : mes enfants et mes parents. Pour eux, je dois reve­nir. L’eau est froide, les vagues frappent fort. J’en­tends un héli­co­ptère, je me demande si c’est possible. Oui, c’est ça ! Il me survole ! Je hurle et me dis que c’est main­te­nant ou jamais. Mais il ne me repère pas. La peur m’en­va­hit. Je me calme. Je reprends la nage dans une mer déchaî­née et une nuit d’un noir intense. J’aperçois un bateau, mais il change de direc­tion. Je perds espoir. Je me dis que personne ne va me retrou­ver. Le bateau revient, c’est long, mais il se dirige vers moi. J’en­tends une voix : « Nous t’avons repéré, tu es sauvé ! Reste calme. »

En hypo­ther­mie, je ne peux quasi­ment pas bouger, mais je hurle de joie inté­rieu­re­ment : ils m’ont sauvé la vie ! Ils vont rame­ner un père à son fils et un fils à ses parents, qui ont besoin de lui. Je n’ar­rive pas à décrire le senti­ment de recon­nais­sance que je ressens. Le courage est l’an­crage de cet équi­page. Une fois à bord de leur bateau, ils me prodiguent des soins précieux. J’ai énor­mé­ment de recon­nais­sance envers les sauve­teurs. Ils ont pris des risques pour me sauver la vie. Ce sont de grandes femmes et de grands hommes ! »

Nos sauve­­teurs sont formés et entraî­­nés pour effec­­tuer ce type de sauve­­tage. Grâce à votre soutien, vous les aidez à être présents la prochaine fois !

Article publié dans le maga­­­­­­­­­­­­­­­­­­­zine Sauve­­­­­­­­­­­­­­­­­­­tage n°167 (1e trimestre 2024)